L'orientation dans l'espace - 26

Cette difficulté se retrouve à la fois par écrit et dans la vie. Trouver le nord, utiliser un compas, lire une carte, tout cela nécessite ce que l’on appelle « le sens de l’orientation », pas nécessairement acquis pour un dys qui en plus est gaucher.

 

Il faut reconnaître que la vie d’un gaucher, en soi, comporte des défis auxquels les droitiers ne sont pas confrontés : utiliser un ciseau, mettre le couvert, écrire avec un stylo à encre, lancer ou attraper un objet, tendre la main pour dire bonjour, trouver sa gauche et de sa droite, etc.

 

Cela peut sembler ridicule mais les ciseaux sont fait exclusivement pour des droitiers car le tranchant de la lame ne s’utilise bien que dans une main droite ; dans une main gauche, il ne coupe plus. Mettre le couvert (couteau, cuiller, fourchette, placer les verres à vin et à eau) du bon côté est un vrai défi pour un gaucher ; en général, à cette fin, je dois mettre l’objet physiquement dans ma main gauche pour sentir si c’est naturel pour moi, et si c’est le cas, le placer à l’inverse sur la table, par exemple le couteau. Ensuite la fourchette va nécessairement de l’autre côté, tout comme la cuiller. Les autres ustensiles vont à la queue leu leu du plus grand au plus petit. Pour les verres, je n’ai, à ce jour, aucune idée de la règle.

 

J’abordais le sens de l’orientation. Il semblerait que cela constitue un défi pour les dys. En ce qui me concerne, j’avais recours à diverses astuces pour me tirer d’affaire. Pour distinguer ma gauche de ma droite, je m’imaginais tenant un crayon en main ; cela confirmait où se situait ma gauche. A l’extérieur, me repérer grâce à l’emplacement du soleil, surtout le matin et en fin de journée (pour trouver l’est et l’ouest), repérer dans la forêt la mousse sur l’écorce d’un tronc d’arbre (le côté nord), regarder derrière moi le chemin parcouru pour m’orienter au retour, concentrer mon regard sur un repère visuel au loin (une colline, un clocher), par exemple. Pour les cartes, il fallait se rappeler de trouver le nord indiqué sur la carte et de la tourner dans la bonne direction et en voiture, toujours garder la carte tournée dans la direction du mouvement de la voiture. Ainsi, je pouvais savoir si au prochain virage je devais tourner à droite ou à gauche.

 

Je n’ai pas rejoint une brigade de scouts quand j’étais jeune mais mon père nous avait inscrit de force, mon frère et moi, dans les cadets de l’air. Là, il fallait marcher au pas, changer de direction en groupe et ne pas se tromper. Afin d’être toujours prêt pour le prochain ordre lorsqu’on marchait en peloton, je tendais en permanence un doigt de ma main gauche ; ainsi je ne perdais pas de temps à réfléchir lorsque l’ordre de changer de direction tombait. C’était épuisant !

 

Dans mon enfance, on interdisait aux gauchers d’écrire de la main gauche, quitte à nous attacher la main dans le dos, recevoir des coups de règle sur la main ou la brosse du tableau noir sur la tête (lancée à travers la classe par le maître). Dans les sports, on n’avait pas la même contrainte même si l’équipement n’était adapté que pour les droitiers. Pour recevoir et lancer une balle, je finissais par me mélanger les pinceaux, jusqu’à ce que j’apprenne à lancer la balle ou le ballon avec la main droite mais à l’attraper avec la main gauche. Mon père ayant subi les mêmes contraintes dans son enfance, il en était devenu ambidextre, utilisant l’une ou l’autre main mais gardant sa préférence pour la main gauche pour l’écriture. Moi, je ne le suis que partiellement : pour lancer et attraper et pour tenir les ustensiles pour manger. En fait, je préfère les baguettes chinoises ! Pour écrire, je demeure gaucher, mais avec une écriture pitoyable qui penche dans tous les sens. Il me faut me concentrer pour garder une calligraphie adéquate.

 

Beaucoup d’enfants dyslexiques sont taxés, de façon inappropriée, d’être fainéants, lents ou bêtes, parce que ça leur prend du temps pour comprendre les questions ou les ordres et pouvoir déterminer comment réagir. Mais cela est injuste et erroné, en ce qui me concerne. Car une fois que l’on comprend le processus de réaction requis pour un dys, on peut concevoir que cela lui prenne plus de temps qu’une personne normale pour réagir. Il lui faut traduire ce qu’il entend de la forme phonétique en mots qu’il connaît ; ensuite il doit reconstituer la phrase. Là, enfin, il doit réfléchir à la réponse ou réaction appropriée. Cela exige un certain temps. Une astuce souvent utilisée consiste à reposer la question : « Pardon ? Qu’avez-vous dit ? » ou « Pouvez-vous répéter la question ? » Cela permet au dys à la fois de confirmer ce qu’il a entendu et d’avoir un délai supplémentaire pour choisir la bonne réaction. Ce qui n’a rien à voir avec une quelconque difficulté d’apprentissage ou de compréhension. C’est tout simplement un réflexe pour gagner du temps.

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